La présomption de démission est désormais instituée par Loi Marché du Travail, lorsqu’un salarié a abandonné volontairement son poste. Alors quelles en sont les conséquences ? Comment cette procédure doit-elle être mise en œuvre ? De nombreuses questions tant pratiques que théoriques sont soulevées.
GRH & Audit fait le point sur la présomption de démission en cas d’abandon de poste volontaire.
Présomption de démission : Définition
Jusqu’à présent, l’employeur ne devait jamais interpréter l’absence injustifiée du salarié comme une démission, qui devait résulter d’une volonté claire et non équivoque de mettre fin au contrat de travail, sous peine de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La loi marché du travail vient remettre en cause ce principe. Désormais, le nouvel article L. 1237-1-1 du Code du travail prévoit que :
Ainsi, désormais, et sous certaines conditions, l’abandon de poste équivaut à une démission.
L’abandon de poste : Rappels
L’abandon de poste n’est pas défini par la loi. L’abandon de poste suppose que le salarié quitte son poste de travail sans autorisation ou s’absente sans justificatif pendant ses heures de travail. Il implique une désorganisation de l’entreprise, l’employeur n’ayant pas pu pourvoir à l’absence non prévue du salarié.
Tout abandon de poste permet-il la mise en œuvre de la présomption de démission ?
Non, tout abandon de poste ne permet pas la mise en œuvre de la présomption de démission. En effet, l’Article R.1237-13, Alinéa 2, du Code du travail indique que, sile salarié justifie d’un motif légitime relatif à son abandon de poste, cela fait obstacle à la mise en œuvre de la présomption de démission.
Qu’est-ce qu’un motif légitime ?
Le Questions/Réponses du Ministère du travail relatif à la présomption de démission vient confirmer cette interprétation.
Est donc qualifié de motif légitime (liste non exhaustive) :
- L’exercice du droit de grève,
- L’exercice du droit de retrait,
- L’état de santé du salarié,
- Le refus d’exécuter une instruction contraire à une réglementation,
- Le refus d’une modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.
Le Ministère précise qu’en cas de motif légitime, la présomption de démission ne trouvera pas à s’appliquer.
Mise en œuvre de la procédure
Mener une enquête
Avant de mettre en œuvre une quelconque procédure à l’encontre d’un salarié absent, il convient de mener une enquête en interne.
En effet, l’employeur doit vérifier qu’aucune autorisation d’absence (congé payé ou autre), n’a été accordée au salarié.
Par la suite, avant de considérer l’absence comme injustifiée, l’employeur doit attendre au moins 48 heures. C’est généralement le délai qui est laissé au salarié pour justifier une absence due à une maladie.
📝 À noter : la convention collective peut prévoir un délai différent. Pensez à la consulter.
Mise en demeure
À l’issue de ce délai, pour que la présomption de démission puisse être mise en œuvre, l’employeur adresse au salarié une mise en demeure de justifier son absence ou de reprendre son poste de travail.
La loi précise que la mise en demeure est envoyée en recommandé avec accusé de réception ou remise ne main propre contre décharge.
Le délais de la mise en demeure
Cette mise en demeure devra fixer le délai au terme duquel le salarié sera présumé démissionnaire. L’Article R.1237-13 du Code du travail vient préciser que ce délai ne peut être inférieur à 15 jours.
Ce délai est décompté en jours calendaires. Le délai commence à compter de la date de présentation de la mise en demeure.
📝 À noter : Lors d’un envoi en LRAR, même le salarié refuse de réceptionner la lettre, la mise en demeure est considérée comme notifiée régulièrement. C’est donc la date de première présentation qui qui marque le début du délai.
À l’issue du délai
À l’issue du délai fixé par la mise en demeure, si le salarié n’a pas justifié son absence ou repris son poste, l’employeur pourra alors le présumer démissionnaire.
En ce sens, le salarié est en principe tenu d’exécuter son préavis de démission. Il reste soumis à ses obligations contractuelles.
Si le salarié ne se présente pas, l’employeur n’est pas tenu de le rémunérer. Aussi, l’employeur peut demander au salarié une indemnité compensatrice correspondant aux sommes que le salarié aurait perçues s’il avait réalisé son préavis, en raison du préjudice subi. Dans cette hypothèse l’employeur doit saisir le Conseil des Prud’hommes.
L’employeur peut également dispenser le salarié d’effectuer son préavis. Dans ce cas, l’employeur doit verser au salarié une indemnité compensatrice correspondant aux sommes que le salarié aurait perçues s’il avait réalisé son préavis.
🛑 Attention : La dispense de préavis de la part de l’employeur n’avance pas la date de fin de contrat.
Enfin, le salarié peut demander à être dispenser de préavis. Dans cette hypothèse, aucune indemnité compensatrice n’est due.
La fin du contrat de travail
Le contrat de travail prend fin à l’issue du préavis.
L’employeur doit alors remettre au salarié les documents de fin de contrat :
- Le reçu pour solde de tout compte,
- Le certificat de travail,
- L’attestation Pôle Emploi,
- Le récapitulatif de l’épargne salariale (le cas échéant).
Le motif de rupture de contrat de travail indiqué dans l’attestation Pôle Emploi sera alors : « Démission ».
📝 À noter : Les documents de fin de contrat sont des documents « quérables » et non portables. Cela implique que l’employeur doit les tenir à disposition du salarié. Il n’est pas obligé de les envoyer au salarié.
Enfin, lors de la DSN, l’employeur déclare le type de la rupture du contrat de travail en « Démission ».
Les conséquences pour le salarié présumé démissionnaire
Le motif de fin de contrat étant une démission, le salarié ne pourra pas prétendre au bénéfice de l’assurance chômage.
Par ailleurs, il ne pourra pas non plus prétendre au bénéfice de la portabilité des garanties de la prévoyance, cette dernière étant subordonnée à la prise en charge par le régime de l’assurance chômage.
En revanche, il percevra une indemnité compensatrice de congés payés pour les congés acquis et non pris à la date de fin de contrat.
Présomption de démission et contestation
La présomption de démission reste une présomption simple. Par conséquent, le salarié a la possibilité de contester la rupture de son contrat de travail sur ce fondement.
Dans ce cas, le salarié devra saisir le Conseil des Prud’hommes. Le bureau de jugement statuera dans un délai d’un mois à compter de la date de la saisine.
FAQ
Mon salarié répond à la mise en demeure mais indique qu’il ne reprendra pas son poste. Puis-je le présumer démissionnaire ?
Si le salarié ne souhaite pas reprendre son poste, il pourra alors être présumé démissionnaire à l’issue du délai fixé dans la mise en demeure. Attention toutefois que le fait de ne pas reprendre son poste ne soit pas consécutive à un droit de retrait, à une modification de son contrat de travail, … (motifs légitimes selon la loi).
En cas d’abandon de poste, suis-je obligé de mettre en œuvre la procédure de présomption de démission ?
D’après le Ministère du Travail, l’employeur qui constate un abandon de poste n’est pas obligé de mettre en place la présomption de démission. Dans ce cas, le contrat de travail du salarié est suspendu.
En revanche, d’après le Ministère du Travail, la procédure de licenciement pour faute n’a plus à être appliquée.
Mon salarié reprend son poste pendant le délai que j’ai fixé dans la mise en demeure. Que se passe-t-il ?
Si votre salarié reprend son poste dans le délai imparti, vous ne pouvez pas le présumer démissionnaire. En revanche, pour la période où il n’aura pas justifié son absence (entre le constat de l’absence et la reprise de poste), vous avez la possibilité de la sanctionner, dans le cadre de votre pouvoir disciplinaire.
🛑 Attention : La sanction appliquée doit être proportionnée à la faute commise.
Ma convention collective prévoit que la démission d’un salarié doit être écrite. Que faire dans le cadre d’un abandon de poste de la part d’un de mes salariés ?
Même si votre convention collective prévoit qu’un écrit est nécessaire en cas de démission, la procédure de présomption de démission peut être mise en œuvre.
En effet, selon la Jurisprudence, il s’agit d’une règle de forme qui, si elle n’est pas respectée, ne remet pas en cause la démission.